Le patrimoine culturel mondial est un trésor précieux qui raconte l’histoire de l’humanité à travers les âges. Cependant, la préservation de ces sites historiques est un défi majeur.
Le Lidar est devenu un outil essentiel pour la numérisation de sites historiques. Les scanners Lidar, en capturant des millions de points de données en quelques secondes, créent des modèles 3D détaillés des bâtiments, des monuments, des ruines et même des paysages culturels. Cette précision exceptionnelle permet aux chercheurs, aux archéologues, aux architectes et aux conservateurs de documenter et d’étudier le patrimoine culturel de manière non invasive.
Explorons quelques exemples concrets.
Le Lidar au secours de l’héritage ukrainien
Mars 2022: des avions russes attaquent et bombardent la Bibliothèque Régionale pour la Jeunesse de Chernihiv. C’est un petit bâtiment de la renaissance gothique dans une des plus anciennes villes de l’Ukraine, au nord de Kyiv et à une cinquantaine de kilomètres de la frontière Belarus. Construit pour la collection personnelle de Tarnovsky comme musée de l’antiquité ukrainienne, elle se trouvait à l’époque à l’intérieur de l’empire russe. Dans les 20 mois depuis le début du conflit l’UNESCO a confirmé que quelque 250 sites culturels ont été endommagés, dont des églises, des mémoriaux, et des bibliothèques comme celle-ci. Il semblerait que cela fait partie de la stratégie russe.
Quelques jours après le bombardement, Sergey Revenko, architecte, géomètre, et spécialiste dans les scannages 3D et la photogrammétrie, arrive livrer des boites de nourriture aux survivants. Choqué par ce qu’il voit, il commence à prendre des photos. Malgré sa peur de faire quelque chose d’illégal, il continue et prend un millier de photos de tous les angles concevables.
En rassemblant les photos de manière très précise, il crée ce qu’on appelle la photogrammétrie. “C’est comme avoir un jumeau digital d’un bâtiment qu’on peut voir dans le monde réel,” dit-il. Un modèle extrêmement précis qu’on peut explorer de tout ce qu’on a photographié.
Cela n’a pas suffi à Revenko. Avec d’autres architectes, il a pu mettre la main sur un petit scanner Lidar pour capturer chaque recoin de la bibliothèque pour aider à la reconstruction. Cette technique n’avait rien de révolutionnaire. Elle a été employée par Andrew Tallon, professeur d’art à Vassar, il y a une dizaine d’années, pour la réalisation d’un document historique de la Cathédrale de Notre-Dame à Paris avec un scanner Leica en prenant des photos panoramiques à haute résolution, tout comme Revenko. Cela sans savoir que la cathédrale serait dévastée par un feu plus tard et que ses scans seraient cruciaux dans la reconstruction.
Un document réalisé par un laser n’a aucune comparaison avec des dessins ou du matériel d’archive. Le laser permet non seulement de fournir des données sur les cotes, mais également sur les matériaux puisque le temps de retour du laser dépend du type de matériel touché.
Comme dit Revenko : “Si vous regardez le plâtre au plafond, vous ne pouvez pas voir les failles mineures ou s’il y a eu une réparation avec du plâtre qui a été lissé. Mais avec un scan laser, je peux voir toutes ces choses. En fait, il dévoile des choses que vous ne pouvez pas capter avec l’œil humain.”
Tout cela ne prend que des fractions de seconde. “Imaginez combien de temps il faudrait pour mesurer tous ces points si vous les faites à la main”, explique-t-il. “Probablement des mois, n’est-ce pas? Avec un scan laser, cela ne prendrait que quelques heures.”
Donc, pour protéger des sites culturels et historiques de dégâts et de destructions, le scannage rend une restauration future nettement plus facile et avantageuse. C’est une sauvegarde qui ne peut pas être perdue ou noyée, ni être bombardée.
Selon Katerina Gonchorova du Fonds Mondial des Monuments, le scan 3D et le modèle basé sur le nuage des points ont réduit le budget de reconstruction de 20%. “Vous n’avez pas besoin d’une expertise architecturale, toutes les mesures sont là. Alors nous avons commencé avec un plan parfait du bâtiment, nous avions des façades. C’était tout dans le modèle de Sergey.”
En conséquence, Revenko commença à travailler avec tout un ensemble d’architectes et d’ONG pour faire des scans laser à travers l’Ukraine. A présent, ils sont en train d’arpenter des sites culturels ayant déjà subits des dégâts, et d’autres qui le pourront dans le futur.
(source: https://blog.lidarnews.com/preserving-ukrainian-culture-with-lidar/)
CyArk: au sauvetage de l’Héritage et de la Culture
En 2016, un temple bouddhiste, fragilisé par le temps et l’âge, au centre d’une ancienne ville de Myanmar, fut dévasté par un tremblement de terre de magnitude de 6.8. Ceci parmi plus de 3’000 pagodes, temples, et monastères sur un site archéologique vaste de 65 kilomètres carrés.
Heureusement, cette tâche immense et complexe de restauration a été aidée par une équipe de CyArk, une ONG affiliée à Google, fondée en 2003 pour l’enregistrement 3D de sites historiques et culturels pour les préserver et les célébrer, avec à son actif plus de 200 sites dans 40 pays. Six mois avant le tremblement de terre, ils ont pu créer des “jumeaux digitaux” des sites culturels de Bagan pour un projet de conservation de l’UNESCO. Ces données ont eu une valeur inestimable pour les ingénieurs et conservateurs.
Ces informations, un exemple où l’on “met les données au travail pour résoudre des problèmes”, ont servies un autre but: faire vivre un ancien héritage à un public nouveau à travers le monde.
A Bagan, non seulement les mesures ont été prises grâce au Lidar, mais également la photographie aérienne et la photogrammétrie pour la capture des couleurs et des textures des pagodes et temples avec un détail photoréaliste. A cela ont été rajouté des interviews, des sons locaux, et des vues 360° pour évoquer l’ambiance et son histoire.
Que sont les défis aujourd’hui et comment les modèles 3D peuvent aider?
La menace principale est le dérèglement climatique. Le niveau de la mer, la diversification, les inondations et autres phénomènes météorologiques ont un effet néfaste sur des sites et des monuments qui n’ont pas été conçus pour y résister. Si le tremblement de terre de Bagan n’était qu’un événement isolé, le changement climatique est plus insidieux et difficile à mettre le doigt dessus.
Un bon exemple est à Papa Nui (Ile de Pâques), ou les fameuses statues moaï sont exposées aux ravages des tempêtes, de la montée du niveau de la mer, et de l’érosion côtière. Les autochtones ont maintenant leur propre matériel Lidar pour aider la préservation de l’héritage culturel de l’ile pour des générations à venir.
Un autre exemple est le site de l’UNESCO des tombeaux de Royal Kasubi en Uganda. Après que ceux-ci furent brûlés par des incendiaires, leurs reconstructions sont possibles grâce aux enregistrements de CyArk
(source: https://blog.google/outreach-initiatives/arts-culture/how-lidar-tech-is-a-world-heritage-hero/)
Le Lidar et l’Archéologie : 3 exemples
Comment le Lidar a trouvé un site maya
Depuis plus de 25 ans, une équipe de l’Université de Central Florida tentait de documenter les restes archéologiques dans la jungle dense de Caracol dans l’ouest Belize, un site maya occupé entre 600 av. J.-C. et 900 apr. J.-C. avec, à son apogée, une population d’au moins 115’000 habitants. Avec des outils classiques, une cartographie et des fouilles, ainsi que d’autres études, ont été réalisées sur environ 23 kilomètres carrés. Mais il restait encore beaucoup de questions sans réponses, d’autant plus que la civilisation semblait couvrir une région nettement plus vaste.
Depuis plus de 30 ans, on a fait appel à des images satellites, mais, même celles-ci, n’ont souvent pas vu des éléments, autrement cachés par la végétation tropicale, inclus de grandes pyramides.
Finalement, les progrès techniques ont permis le scannage de la région avec un Lidar dans un avion plutôt qu’un satellite. Le but était du pouvoir voir sous la canopée de la forêt. Le succès fut surprenant. En quelques jours de survol et trois semaines de traitement, le résultat était nettement supérieur à tout ce qui aurait pu être réalisé au sol. Cela a permis de découvrir des groupes d’architecture complexe, éventuellement de la production artisanale ou de poterie, et de grand intérêt pour l’archéologie.
Depuis trop longtemps, les archéologues ont été aveuglés par la jungle, et seulement capables d’avoir des échantillons de ces civilisations disparues. Le Lidar a permis de voir à travers les arbres, et permettra de connecter les sites entre eux. Dans le futur, nous serons capables de voir et cartographier le monde Maya en son entier avec ses champs et pyramides, ses maisons et ses routes, ses interactions et ses conflits.
(source: https://archive.archaeology.org/1007/etc/caracol.html)
Les Routes romaines perdues en Grande-Bretagne
David Ratledge recherche des routes romaines depuis bientôt 50 ans. Grâce au Lidar, il a réussi à en trouver des autres. “Auparavant, nous n’avions que des photographies aériennes datant des années 1940 et 1960 pour nous aider, mais ces photos n’étaient utiles qu’après une période de sécheresse, et il n’y en a pas beaucoup! Avec le Lidar, c’est tout de suite évident – vous savez que vous avez trouvé une route.”
Similairement, des analyses par Simon Crutchley et Fiona Small ont mis en lumière des routes, longuement soupçonnées, dans le sud de l’Angleterre dans la région de Chichester (Noviomagus Reginorum)
(sources: https://www.archaeology.org/news/4130-160205-lidar-roman-roads, https://www.gim-international.com/content/article/lidar-reveals-lost-roman-road-from-chichester-to-arundel)
Redécouverte d’un village en Afrique du Sud
Une ville prospère entre le 15e et mi-19e siècle dans les collines du Suikerbosrand au sud de Johannesburg s’est effondrée suite à des guerres civiles. Des excavations avaient mis à jour quelques ruines, mais il a fallu l’intervention du Lidar pour connaître la véritable étendue de ce site, long d’environ 10 kilomètres, et avec jusqu’à 850 maisons.